Comment placer la trésorerie d’une SELARL?

Après quelques années de pratique, et si vous avez suivi nos conseils, vous vous interrogez comment placer les excédents de trésorerie d’une SELARL. Comme nous l’avons vu dans le dossier BNC ou SELARL pour votre activité libérale ? en SELARL seule la rémunération versée au professionnel sera soumise aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu. Le bénéfice restant qui sera laissé dans votre SELARL ne sera soumis qu’à l’impôt sur les sociétés, dont le taux est bien moindre.

En vertu des règles énoncées ci-dessus, plus vous laissez de trésorerie dans la société, plus vous vous enrichirez. Certes, mais à un moment donné, vous avez besoin de percevoir un minimum de rémunération pour vivre: vous loger, vous alimenter, payer les études de vos enfants, partir en vacances, etc… Le meilleur conseil que j’aurais à vous donner, c’est d’identifier ce minimum dont vous avez besoin pour mener votre train de vie courant. Prenez une marge de précaution, pour pallier aux aléas potentiels. C’est cette somme que vous devez vous verser en rémunération. L’excédent a tout intérêt à demeurer dans votre SEL, pour échapper aux cotisations sociales et à l’impôt sur le revenu.

Les détracteurs diront que tout ceci est bien gentil sur le papier, mais à quoi cela peut-il bien servir de conserver des excédents de trésorerie dans votre société ? La question est pertinente.

En fait, il y a de multiples raisons qui justifient la création et l’alimentation de cette poche de trésorerie d’une SELARL : ce dossier dresse un éventail non exhaustif des possibilités qui vous sont offertes pour l’utiliser ou la placer efficacement.

Lisser ses revenus dans le temps… et optimiser sa fiscalité

Votre revenus professionnels sont naturellement tributaires de l’évolution de votre activité, qui peut connaître des périodes de hausse et de baisse selon votre clientèle, vos horaires de travail, les prestations que vous avez accomplies. Ils sont de surcroît soumis aux aléas de la vie courante avec malheureusement des périodes d’activité faiblement ou non rémunérées (arrêt maladie, formation, congés).

Garder de côté la trésorerie d’une SELARL vous donne la possibilité de vous rémunérer quand bon vous semble, même en période de vaches maigres. En plus de faciliter la gestion de votre budget, le fait de lisser votre rémunération en évitant les fortes variations d’une année sur l’autre permet d’optimiser votre fiscalité (!). Rien de magique à tout cela, cet effet est uniquement dû à la mécanique des tranches d’imposition, qui fonctionne de telle sorte que les années à forts revenus sont davantage taxées.

Prenons l’exemple d’un professionnel libéral qui gagne 100.000€ une année N, et seulement 50.000€ l’année suivante à cause d’un accident de ski qui l’a empêché de travailler pendant 6 mois. S’il avait constitué une épargne de 25.000€ de côté par précaution à la fin de la première année, et qu’il avait choisit de se verser cette rémunération l’année suivante, il aurait non seulement évité une période de tension financière imprévue pour sa famille, mais également réduit son impôt sur le revenu de près de 2.300€!

Année 1Année 2Total
Revenus libéraux avant lissage100.000 €50.000 €150.000 €
A : Impôts sur le revenu du foyer avant lissage14.878 €2.172 €17.050 €
Revenus libéraux après lissage75.000 €75.000 €150.000 €
B : Impôt sur le revenu du foyer après lissage7.378 €7.378 €14.755 €
Différence B-A =-7.500 €+5.205 €-2.295 €
Evaluation de l'impact du lissage de rémunération sur l'impôt sur le revenu. Hypothèse d'un couple avec 2 enfants.

Investir dans des actifs professionnels (immobilier, matériel, véhicules)

Il est extrêmement judicieux de profiter de la trésorerie d’une SELARL pour investir dans des actifs à forte valeur. Vous louez vos locaux professionnels ? Votre véhicule est en leasing ? Vous envisagez des investissements en matériel coûteux? L’opportunité est grande de vous servir de votre trésorerie pour acquérir ces actifs à titre professionnel, et réduire vos dépenses futures par la même occasion.

Gardez toujours à l’esprit que 1 euro dépensé à titre personnel vous en aura globalement coûté 2 euros, compte tenu des cotisations sociales et de l’impôt sur le revenu. Autant faire la dépense depuis votre société pour minimiser les frais!

Acheter votre local professionnel, si vous en avez l’opportunité, peut être un excellent choix. Au lieu de payer un loyer à fonds perdus, vous capitaliserez dans un bien qui prendra de la valeur au fur et à mesure du temps. Grâce à la trésorerie de votre SELARL, vous êtes libres de faire un apport conséquent, et votre banquier vous accordera un crédit à des conditions avantageuses.

A noter qu’il est fortement recommandé d’investir par le biais d’une SCI que vous aurez créée pour l’occasion, afin de dissocier le patrimoine immobilier de votre activité purement libérale. En effet, lorsque vous céderez votre activité pour partir à la retraite, vous pourriez avoir envie de conserver la propriété des locaux pour les louer à votre successeur. Egalement, vous pourriez même faire entrer progressivement vos héritiers dans la SCI pour leur transmettre un patrimoine, ce qui est interdit avec une SEL.

investir ma trésorerie en SELARL dans l'immobilier

Votre véhicule est également un poste de coût conséquent dans votre budget. Choisir de garder votre véhicule dans votre patrimoine personnel ou professionnel va directement dépendre du type de véhicule que vous possédez, de son financement, et de l’utilisation que vous en faites. Acquis dans votre société, vous pourrez y passer en frais son amortissement, l’assurance, le carburant, les réparations, etc… Ces dépenses seront déductibles du résultat de l’entreprise au prorata de votre utilisation professionnelle (si vous faites la majorité de vos trajets pour vous rendre au travail, c’est plutôt de bonne augure).

A prendre en compte dans le calcul : acquérir votre véhicule par le biais de votre Société d’Exercice Libéral vous amène à payer la TVS (Taxe sur les Véhicules de Société) – sauf pour les véhicules électriques qui en sont pour le moment exonérés. Pour en savoir plus sur les options qui s’offrent à vous pour l’acquisition d’un véhicule, consultez notre dossier LOA, LDD, en direct, quel choix pour l’acquisition de mon véhicule en libéral ?

De manière générale, sachez qu’un certain nombre d’actifs que vous utilisez au quotidien peuvent être achetés par votre SELARL, à partir du moment où ils servent à l’activité professionnelle. Ce peut être le cas de votre téléphone mobile, votre ordinateur portable, votre imprimante, etc. Il en est de même pour les dépenses attachées, à savoir les abonnements, les réparations, les consommables.

Se verser des dividendes en franchise de cotisations sociales pour les SELAS

Au terme de l’exercice, les associés de la SELAS doivent disposer des bénéfices de l’année écoulée. Ils peuvent choisir soit de « mettre en réserve » (= les laisser dans la société pour une utilisation future), soit de se les distribuer sous forme de dividendes. Les dividendes ne sont pas assimilables à des rémunérations, mais plutôt à des revenus de capitaux mobiliers, dont le traitement social et fiscal est différent.

En SELAS, les dividendes sont taxés au Prélèvement Forfaitaire Unique (la fameuse « flat tax ») de 30%, comprenant 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux. Ce taux de 30% est nettement moins élevé que le cumul « cotisations sociales + impôt sur le revenu » qui s’applique sur les rémunérations. Le versement de dividendes peut donc être un moyen d’optimiser votre fiscalité.

Attention toutefois, la comparaison rémunération/dividendes n’est pas aussi limpide, car il faut tenir compte de plusieurs paramètres :

  • Les dividendes sont versés à partir du bénéfice de l’entreprise, qui lui même a déjà été taxé en amont à l’impôt sur les sociétés (15 ou 25% selon le cas).
  • En optant pour les dividendes, vous perdez l’avantage de l’abattement de 10% sur l’imposition des rémunérations.
  • Les prélèvements sociaux de 17,2% sont payés à fonds perdus, c’est à dire qu’ils ne génèrent aucun droits sociaux (maladie, retraite).

Vous devez faire un calcul tenant compte de tous ces éléments pour décider intelligemment le versement dividendes. Notre dossier Comment arbitrer entre rémunération ou dividendes en SELAS? apporte des éclaircissements en la matière.

A noter que si vous exercez en SELARL, sachez d’ores et déjà qu’il est déconseillé de vous verser des dividendes. La raison est simple: au lieu des prélèvements sociaux, les dividendes sont assujettis aux cotisations sociales habituelles (URSSAF, Caisse de retraite), comme s’il s’agissait d’une rémunération. Ceci est valable pour tous les dividendes qui excèdent 10% des apports associés (capital social + solde des comptes courants d’associés), soit en règle générale la quasi-totalité des dividendes. Cette particularité coupe net tout intérêt à se verser des dividendes : sans aucun doute, fuyez!

Placer ses fonds en attendant la retraite

La trésorerie d’une SELARL peut être affectée sur des placements financiers et immobiliers variés. Le choix n’est pas aussi vaste que pour un particulier, mais reste très diversifié. Plusieurs supports existent (compte à terme, contrat de capitalisation, compte-titres, etc.), permettant d’investir dans des actions de sociétés cotées, des fonds euros, des unités de compte, des obligations, des parts de SCPI…

Pour décider d’affecter vos fonds sur tel ou tel support, il faut avant toute chose réfléchir à votre stratégie patrimoniale, et notamment votre horizon de placement. De là en découlera le niveau de risques que vous êtes prêts à encourir et la liquidité attendue. Et comme toujours, il n’existe pas de produit miracle, il n’y a pas de rendement sans risque. Charge à vous de trouver le meilleur compromis en arbitrant selon vos besoins.

Ci-dessous un petit tableau comparatif des options qui s’offrent à vous :

Type de contratHorizon de placementRendement attenduRisqueLiquidité
Compte à terme< 2 ans< 1%AucunMoyenne : déblocage sous 1 mois
Contrat de capitalisation> 4 ans- Fonds euros : 1%
- Unités de compte : 5 à 7%
Fonds euros : Capital garanti
Unités de compte : Selon évolution des marchés financiers
Moyenne : rachat du contrat sous 1 mois
Compte-titres> 5 ansActions cotées / OPCVM : 5-7%Selon évolution des marchés financiersExcellente : Vente à tout moment des instruments cotés en bourse
Produits structurés> 8 ans5-7%Selon évolution des marchés financiersBonne : Vente en quelques jours
Parts de SCPI> 8 ans4-5%Selon évolution du marché immobilier- Bonne si parts acquises en contrat de capitalisation (quelques jours)
- Faible si parts acquises en direct (plusieurs mois)

Une stratégie patrimoniale sage serait de:

  • Conserver 20-40% de vos liquidités sur des supports à court terme à la fois non risqués et suffisamment liquides (type compte à terme ou fonds euro d’un contrat de capitalisation), pour en disposer immédiatement en cas de besoin.
  • Allouer 60-80% de vos liquidités sur des supports à plus long terme (actions, fonds ou parts de SCPI), davantage risqués mais nettement plus rémunérateurs dans la durée, pour valoriser votre patrimoine.

Plus vous approcherez de votre retraite, plus vous augmenterez la part de supports non risqués pour sécuriser votre pécule. A l’âge de la retraite, vous aurez la faculté de céder l’intégralité des parts de votre SELARL à l’IS. Vous pourrez bénéficier du régime d’exonération des plus-values à hauteur de 500.000 € pour les dirigeants de PME partant à la retraite ayant exercé pendant au moins 5 ans (Article 150-0 D ter du CGI). Ce qui donne la faculté de récupérer un joli pactole en franchise d’imposition pour le jour venu!

Concernant les parts de SCPI, les Sociétés d’Exercice Libéral ont la particularité de ne pouvoir acquérir que l’usufruit des parts de SCPI, sur une période allant souvent de 5 à 10 ans. Même s’il peut sembler plus complexe pour les néophytes, l’achat en démembrement de propriété est fiscalement très avantageux.

En n’achetant que l’usufruit, le capital investit est nettement plus faible, et le rendement est comparativement beaucoup plus élevé. De surcroit, l’usufruit est amortissable (ce qui n’est pas le cas des parts en pleine propriété), permettant ainsi de gommer la fiscalité. Pour en savoir davantage sur l’investissement gagnant de parts de SCPI en démembrement de propriété, je vous invite à consulter le dossier dédié : Acheter l’usufruit de parts de SCPI en SELARL, une bonne idée.

Se constituer un patrimoine via la création d’une holding

Enfin, placer la trésorerie d’une SELARL dans l’optique de se construire un patrimoine conséquent nécessite d’élaborer une organisation adaptée. Dès lors que les sommes en jeu deviennent importantes, vous devez sérieusement envisager la création d’une holding pour vous ouvrir de nouveaux horizons de placement fiscalement optimisés. Ou plus précisément deux holdings :

  • Une holding SPFPL (Société de Participations Financière de Professions Libérales), dont le statut est réglementé. La SPFPL est une pure société de contrôle dont le seul objectif est de détenir des participations dans une ou plusieurs SEL, ou des SCI qui détiennent un patrimoine connexe à votre activité libérale (par exemple vos locaux professionnels).
  • Une holding SMHF (Société Micro-Holding Familiale), dont l’objectif est de développer un patrimoine familial en exploitant des sociétés – le plus souvent des SCI. Ce statut n’étant pas réglementé, la SMHF a la faculté de réaliser des investissements beaucoup plus diversifiés sans lien avec votre activité libérale. Les associés de la SMHF sont des membres de la famille.

Les remontées de dividendes à vos holdings subissent une taxation extrêmement réduite grâce à l’application du régime fiscal mère-fille. De plus, à travers la mise en place d’une convention de trésorerie entre les sociétés de votre « groupe », vous avez la faculté d’affecter les excédents de trésorerie d’une SELARL là où ils sont nécessaires. En particulier, ils seront dirigés vers votre holding familiale pour réaliser des investissements qui viendront enrichir votre patrimoine personnel.

Cette stratégie patrimoniale est extrêmement puissante, et c’est la seule qui permet de mettre à profit votre trésorerie professionnelle pour développer votre patrimoine personnel, avec une fiscalité optimisée au maximum. Sa mise en place complexe nécessite toutefois une vraie réflexion globale tenant compte de votre situation professionnelle et personnelle pour bien cerner les enjeux. A travers Optiliberal, j’accompagne tous les professionnels libéraux et élabore des stratégies personnalisées en fonction de vos objectifs. Contactez-moi pour en discuter !

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Thibaut Sadones

Fondateur d'Optiliberal, expert dans l'accompagnement des professions libérales sur des thématiques fiscales et patrimoniales
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