Réduire la taxation des plus-values professionnelles

La taxation des plus-values professionnelles est un sujet préoccupant pour bon nombre de candidats à la transmission de leur entreprise. Mais elles concernent également tous les cas de cession d’actifs dans le courant de leur activité. La fiscalité des plus-values professionnelles peut vous confisquer jusqu’à 50% de la plus-value générée, ce qui peut être franchement dur à avaler lorsqu’il s’agit de la réalisation de toute une vie.

Heureusement, il existe de nombreux moyens de réduire, voire d’échapper à la taxation. Compte tenu des montants en jeu, il est indispensable de connaître les dispositifs dont vous pourriez bénéficier et susceptibles de vous faire des économies considérables… à condition de savoir s’y retrouver dans la jungle des mesures fiscales qui évoluent régulièrement au gré des lois de finances.

Dans ce dossier, je vais tâcher de vous exposer les modalités traditionnelles de taxation des plus-values professionnelles, et de vous présenter sous forme synthétique les conditions d’accès aux mesures d’exonération dont vous devez profiter.

1. Quels biens sont concernés ?

Une plus-value professionnelle est constatée dès lors qu’un bien immobilisé sort du patrimoine d’une entreprise. Ce qui peut englober :

  • Les locaux d’activité
  • La clientèle
  • Le véhicule professionnel
  • Le matériel
  • etc..

Ces biens peuvent être vendus à l’occasion d’une cessation d’activité, ou simplement pour diverses raisons (changement de véhicule, déménagement dans de nouveaux locaux, renouvellement du matériel, etc).

La cession de droits sociaux détenus dans une entreprise soumise à l’impôt sur le revenu, dans laquelle l’associé y exerce son activité professionnelle, entre également dans le cadre du calcul des plus-values professionnelles.

Attention, la taxation des plus-values professionnelles s’applique dès qu’il y a transfert de propriété d’un bien professionnel, même si cette propriété est transférée de manière implicite. Cela comprend donc l’éventuelle réintégration d’un bien dans votre patrimoine privé (votre véhicule par exemple), les donations (cession à un tiers à titre gratuit) ou le transfert par succession au bénéfice de vos héritiers en cas de décès.

La taxation des plus-values professionnelles intervient dès qu'il y a transfert de propriété d'un actif du patrimoine
La taxation des plus-values intervient dès que se matérialise le transfert de propriété d’un actif du patrimoine professionnel

2. Comment calculer les plus ou moins-values professionnelles?

2.1 Détermination de la valeur nette comptable

Chaque bien enregistré dans votre patrimoine professionnel possède une valeur « nette » comptable. C’est celle qui figure au bilan. Elle est égale au prix d’acquisition du bien, auquel sont déduits les amortissements déjà pratiqués.

Valeur nette comptable = Prix d’acquisition – Amortissements

Par exemple, vous achetez un matériel professionnel pour un montant de 2.500€. Celui-ci a une durée de vie estimée de 5 ans, il sera donc amorti sur cette durée. Au bout de 2 ans, sa valeur comptable est égale à 1.500€, soit le prix d’acquisition (2.500€) auquel sont déduites 2 années d’amortissements (2×500€).

Certains bien ne sont pas amortissables, auquel cas la valeur nette comptable est égale au prix d’acquisition du bien. Certains biens ont également été « créés » par vous-même (par exemple une clientèle libérale), et ne figurent pas au bilan. Dans ce cas, la valeur nette comptable est égale à zéro.

2.2 Détermination du prix de cession

Le prix de cession est le prix de vente du bien, après déduction des éventuels frais et taxes directement liées à la vente de ce bien. Par exemple, si vous avez fait appel à un intermédiaire pour réaliser la vente, vous devez déduire les commissions ou honoraires versés à cet intermédiaire.

En cas d’apport d’un bien au profit d’une société, le prix de cession est représenté par la valeur de l’apport (et notamment la valeur des titres reçus en rémunération de l’apport).

Dans le cas d’une cession à titre gratuit (réintégration d’un bien dans votre patrimoine privé, donation à un tiers), puisqu’aucun prix de cession n’est matérialisé, c’est la valeur « vénale » du bien qui est retenue. En d’autre termes, le bien est valorisé à sa valeur réelle de marché, comme s’il avait été mis en vente auprès du grand public. Ce principe s’applique même si la valeur comptable est nulle, c’est à dire même quand le bien est totalement amorti. Charge à vous de déterminer la valeur de marché de manière cohérente selon le degré d’obsolescence du bien en question.

Vous pourriez enfin être tenté de vendre un bien à un prix anormalement bas, par exemple pour une vente à soi-même, à un associé ou à un proche. Dès lors que ce n’est pas justifié par l’intérêt commercial de l’entreprise, vous vous exposez à un redressement. L’administration retient toujours la valeur de marché comme référence de valeur d’un bien.

2.3 Calcul de la plus ou moins-value

Les plus ou moins-values professionnelles se calculent par différence entre le prix de cession et la valeur nette comptable du bien concerné. Si le prix de cession est supérieure à la valeur nette comptable, on parle de plus-value (bénéfice). Si le prix de cession est inférieur, on parle de moins-value (perte).

Plus ou moins-value = Prix de cession – Valeur nette comptable

Logiquement, plus un bien est amorti, plus la plus-value est importante. Ce qui peut sembler désagréable doit être relativisé. Sur le principe, n’oubliez pas que les amortissements pratiqués antérieurement vous ont permis de diminuer le résultat fiscal des années précédentes, et donc de réduire votre taxation. L’état ne fait « que » reprendre ce qu’il vous a donné. Malgré tout, vous pouvez bénéficier d’exonérations sur les plus-values (voir ci-dessous) qui vous permettent d’avoir le beurre (réductions de taxation grâce aux amortissements) et l’argent du beurre (exonération sur la plus-value).

Dernière précision, si vous faites un usage mixte d’un bien professionnel (par exemple un véhicule professionnel que vous utilisez également à titre privé), alors la plus-value est réduite à proportion de votre usage professionnel. Ainsi, si vous faites 30% de vos trajets à titre privé, vous ne serez taxé que sur 70% de la plus-value ainsi calculée sur votre véhicule.

3. Comment sont taxées les plus-values professionnelles ?

Une fois que les plus ou moins-values globales ont été déterminées, elles sont classées selon leur caractère de court ou long-terme. Cette distinction est importante car le régime d’imposition applicable n’est pas le même. De plus, les plus-values professionnelles sont traitées différemment selon qu’elles sont réalisées dans une société soumise à l’impôt sur le revenu (IR) ou dans une société soumise à l’impôt sur les sociétés (IS).

3.1 Cas des entreprises assujetties à l’impôt sur le revenu (professions libérales exerçant en BNC notamment)

Distinction entre plus-values court et long terme dans les entreprises à l’IR

Tous les biens qui sont cédés moins de deux ans après leur acquisition entrent dans la catégorie des plus ou moins-values de court-terme, quelque soit leur nature.

Au-delà de deux ans, la plus ou moins-value est répartie entre les deux régimes. La plus ou moins-value est dite à court terme dans la limite du montant des amortissements pratiqués. Le reste est classé à long terme.

Détention du bien < 2 ansDétention du bien > 2 ans
Plus ou moins-values de court termeQuote-part inférieure aux amortissements pratiqués : Plus ou moins-values de court terme
Quote-part supérieure aux amortissements pratiqués : Plus ou moins-values de long terme

Par exemple, vous avez acheté un local professionnel pour 80.000€ il y a plusieurs années. Vous avez déjà amorti 50.000€ sur ce bien, de telle sorte que sa valeur nette comptable est égale à 30.000€. Vous le vendez pour un prix de 95.000€. La plus-value globale est de 95.000€ – 30.000€ = 65.000 €. Les amortissements pratiqués sur le bien étant de 50.000 €, ce montant de 50.000€ sera retenu au titre de la plus-value de court terme. Le montant restant, soit 15.000€, sera retenu au titre de la plus-value de long terme.

A noter, deux cas particuliers découlent de la situation où les biens sont vendus plus de deux ans après leur acquisition :

  • Si le bien n’est pas amortissable, la plus-value sera forcément classée à long terme puisque les amortissements pratiqués sont égaux à zéro.
  • Si vous réalisez une moins-value, elle sera forcément classée à court terme puisque inférieure dans tous les cas aux amortissements pratiqués

Taxation des plus-values professionnelles dans les entreprises à l’IR

Si vous exercez en BNC (assujetti à l’impôt sur le revenu), vos plus-values à court terme sont considérées comme des revenus du travail. Elles viennent s’ajouter au résultat de l’entreprise avec vos autres revenus professionnels. Elles subissent naturellement le paiement des cotisations sociales ainsi que l’impôt sur le revenu. Elle sont donc fortement taxées, souvent à hauteur de 50% du bénéfice!

Les plus-values à long terme sont considérées comme des revenus du patrimoine. Elles sont taxées au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU ou « Flat Tax ») au taux de 30%, comprenant 12,8% d’impôt sur le revenu + 17,2% de prélèvements sociaux. Bien que significative, cette imposition est déjà moins douloureuse que pour les plus-values à court-terme.

NB : A la place des 12,8% d’impôts sur le revenu compris dans le PFU, vous pouvez choisir de soumettre l’ensemble de vos revenus du patrimoine (dividendes, intérêts perçus, plus ou moins-values sur valeurs mobilières) au barème progressif de l’impôt sur le revenu. Ce choix n’a d’intérêt que si votre tranche marginale d’imposition (TMI) – y compris lorsque vous intégrez la plus-value professionnelleest inférieure à 30%, ce qui est très rarement le cas. Par ailleurs, les 17,2% de prélèvement sociaux viennent toujours s’ajouter à la note.

Il peut également arriver que vous réalisiez une moins-value, à l’occasion par exemple:

  • De la revente précipitée d’un bien indépendamment ou non de votre volonté
  • Du vol ou de la destruction d’un bien qui n’était pas totalement amorti
  • La fermeture de votre cabinet libéral alors que certains biens n’étaient pas totalement amortis

Dans ce cas:

  • Les moins-values à court terme viennent réduire le résultat de l’exercice, donc les cotisations sociales et l’impôt sur le revenu
  • Les moins-value à long terme ne sont pas déduites du résultat de l’exercice, mais viennent seulement réduire les plus-values à long-terme futures (pendant au maximum 10 ans)

3.2 Cas des entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés (professions libérales exerçant en Société d’Exercice Libéral à l’IS)

Dans les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés (comme souvent le cas en Société d’Exercice Libéral), les plus ou moins-values sont par défaut classées en court terme, quelque soit leur durée de détention. Elles sont ainsi imposées au taux normal de l’IS.

Seule une liste très restreinte de biens peuvent bénéficier du régime des plus ou moins values à long terme, et surtout:

  • les produits de cession de titres de participation (actions ou parts sociales) détenus depuis plus de deux ans. Pour ceux-ci seule une quote-part de 12 % de la plus-value est intégrée au résultat de la société;
  • les produits des cessions de titres de sociétés à prépondérance immobilière cotées détenues depuis plus de deux ans sont imposées au taux réduit de 19%. 

4. Comment réduire la taxation des plus-values professionnelles dans les sociétés à l’IR?

De nombreux moyens existent pour réduire la taxation des plus-values professionnelles dans les sociétés relevant de l’impôt sur le revenu (IR). Il existe principalement quatre dispositifs d’exonération ou d’abattement, dont les conditions d’application dépendent principalement:

  • des modalités de cession (vente à titre onéreux ou transmission à titre gratuit par donation ou succession)
  • du contexte de cession (notamment à l’occasion d’un départ à la retraite)

Attention, deux subtilités très importantes sont à prendre en compte pour l’appréciation de ces dispositifs:

  • Ils génèrent tous une exonération d’impôt pour les plus-values concernées, mais ne s’appliquent pas toujours sur les cotisations sociales (ou prélèvements sociaux).
  • Certains dispositifs peuvent être cumulables tant que vous remplissez les conditions d’application, autant en profiter lorsque c’est possible!

Pour une vue d’ensemble sur l’ensemble de ces dispositifs, je vous invite à consulter le tableau récapitulatif à la fin de ce dossier. Il est bon de noter qu’il vous appartient de spécifier à l’administration fiscale de quel dispositif vous souhaitez bénéficier au moment où vous déclarez vos plus-values.

4.1 Exonération pour les petites entreprises sous condition de revenus

Les plus-values réalisées par les entreprises soumises à l’impôt sur le revenu sont totalement exonérées si le chiffre d’affaires est inférieur à 90.000 €, et partiellement exonérées s’il est compris 90.000 € et 126.000 €.

  • Référence : Article 151 septies du code général des impôts
  • Régime applicable : Entreprise individuelle, société ou associé d’une société soumise à l’IR
  • Portée de l’exonération : Impôt sur le revenu ET prélèvements sociaux.
  • Cumul : Cumulable avec les autres exonérations sauf les dispositions du 238 quindecies (ci-dessous).
  • Exclusions : Néant

Conditions d’application:

  • Chiffre d’affaires < 90.000 € (exonération totale) ou compris entre 90.000 € et 126.000 € (exonération partielle), ces seuils correspondant à une activité de prestation de services. Le chiffre d’affaires retenu est égale à la moyenne des honoraires hors taxes et des recettes accessoires perçus au cours des deux derniers exercices clos.
  • Le cédant doit avoir exercé son activité professionnelle dans l’entreprise depuis au moins 5 ans (sauf plus-values réalisées à la suite d’un sinistre ou d’une expropriation)

Mon avis: Puissante et simple d’accès, cette exonération requiert peu de conditions et a l’avantage de s’appliquer à tout moment durant la vie de l’entreprise. Par ailleurs, elle ne concerne pas uniquement les cessions mais également tous les cas de transfert de propriété pouvant déclencher une plus-value (apport, donation, partage, cessation d’activité). Enfin, les biens immobiliers peuvent en bénéficier. A user et en abuser tant que vos revenus professionnels restent sous les seuils d’application!

4.2 Exonération pour les dirigeants partant à la retraite

Lorsqu’un dirigeant cède l’intégralité de son activité à titre onéreux à l’occasion d’un départ à la retraite, les plus-values constatées sont exonérées. L’exonération s’applique également sur les éventuelles plus-values constatées antérieurement placées en report d’imposition.

  • Référence : Article 151 septies A du code général des impôts
  • Régime applicable : Entreprise individuelle ou associé d’une société soumise à l’impôt sur le revenu
  • Portée de l’exonération : Impôt sur le revenu uniquement, les prélèvements sociaux restent applicables.
  • Cumul : Cumulable avec tous les autres dispositifs d’exonération
  • Exclusions : Biens immobiliers ou parts de sociétés à prépondérance immobilière

Condition d’application :

  • La cession doit être effectuée à titre onéreux exclusivement
  • Le cédant doit avoir exercé un rôle de dirigeant dans l’entreprise depuis au moins 5 ans
  • Le cédant doit cesser toute fonction dans l’entreprise cédée et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui précèdent ou suivent la cession
  • La cession est effectuée au profit d’un tiers dont le cédant ne possède pas le contrôle (y compris durant les 3 prochains exercices)
  • La société cédée doit être une PME (elle emploie moins de 250 salariés, a un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros)

Mon avis : Ce dispositif est assez restrictif puisqu’il ne concerne que les départs à la retraite. Par ailleurs, l’exonération ne porte pas sur les prélèvements sociaux qui restent toujours applicables (!) Vous risquez donc d’avoir une mauvaise surprise si vous ne l’avez pas anticipé. Il a le mérite d’être cumulable avec les autres dispositifs, voyez-le donc comme un bonus.

4.3 Abattement pour durée de détention des biens immobiliers affectés à l’exploitation

Cette disposition s’applique à toutes les opérations dégageant un plus-value immobilière, sous réserve que le bien immobilier soit affecté à l’exploitation de l’activité professionnelle. Elle prévoit un abattement de 10% par année de détention au-delà de 5 ans pour les plus-values à long terme réalisées sur des biens immobiliers (ou des parts d’une société à prépondérance immobilière). L’exonération devient donc totale au-delà de 15 années de détention.

  • Référence : Article 151 septies B du code général des impôts
  • Régime applicable : Entreprise individuelle, société ou associé d’une société soumise à l’IR
  • Portée de l’exonération : Impôt sur le revenu ET prélèvements sociaux.
  • Cumul : Cumulable avec les autres dispositifs
  • Exclusions : Terrains à bâtir

Condition d’application :

  • Le bien immobilier doit être affecté à l’exploitation professionnelle depuis au moins 5 ans

Mon avis : Ce dispositif, sans être extraordinaire, permet de réduire la taxation sur l’immobilier à usage professionnel et a le mérite d’exister. L’immobilier traditionnel reste taxé au prix fort.

4.4 Exonération selon la valeur de cession

Les plus-values réalisées à l’occasion de la transmission d’une entreprise sont totalement exonérées si le montant de la cession est inférieur à 500.000 €, ou partiellement exonérées si le montant de la cession est compris entre 500.000 € et 1.000.000 €.

Il peut s’agir d’une entreprise individuelle, de l’intégralité des parts détenues dans une société soumise à l’IR, ou de l’ensemble des actifs composant une branche d’activité étant capable de fonctionner de manière autonome. Ce régime est également valable pour les sociétés soumises à l’IS qui cèdent une branche d’activité, mais ne fonctionne par pour les dirigeants de sociétés à l’IS qui cèdent leurs titres.

  • Référence : article 238 quindecies du code général des impôts
  • Régime applicable : Tous types de sociétés (sous condition de taille dans le cas d’une société soumise à l’IS)
  • Portée de l’exonération : Impôt sur le revenu ET prélèvements sociaux.
  • Cumul : Cumulable avec les autres dispositifs, sauf l’exonération en fonction des revenus (article 151 septies)
  • Exclusions : Bien immobiliers ou parts de sociétés à prépondérance immobilière (sauf si le cédant y exerçait son activité)

Conditions d’application:

  • Prix de cession <500.000 € (exonération totale) ou compris entre 500.000 € et 1.000.000 € (exonération partielle)
  • L’activité professionnelle doit avoir été exercée depuis au moins 5 ans au sein de la société
  • La cession est effectuée au profit d’un tiers dont le cédant ne possède pas le contrôle (y compris durant les 3 prochains exercices)
  • Si le cédant est une société soumise à l’IS, elle doit être une PME (elle emploie moins de 250 salariés, a un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros)

Mon avis : C’est l’exonération de référence pour toutes les transmissions d’entreprise, qu’elles soient à titre onéreux ou gratuit (donation, succession). Compte tenu des seuils applicables, elle ne peut s’appliquer qu’aux petites entreprises, ce qui convient parfaitement aux activités libérales. Il faut en profiter, d’autant que les seuils d’exonération ont été fortement relevés depuis 2022 (respectivement 300.000 € et 500.000 € précédemment).

4.5 Tableau récapitulatif des dispositifs d’exonération et d’abattement pour les sociétés à l’IR

DénominationExonération en fonction du chiffre d’affairesExonération pour les dirigeants partant à la retraiteAbattement pour durée de détention des biens immobiliers affectés à l'exploitationExonération en fonction du montant de cession
Article du CGI151 septies151 septies A151 septies B238 quindecies
Seuils d'applicationExonération totale si CA < 90.000€, partielle si CA entre 90.000 et 126.000 €Exonération totale si conditions rempliesAbattement de 10% par année au-delà de 5 ans, Exonération totale au-delà de 15 ans.Exonération totale si montant cession < 500.000 €, partielle si montant entre 500.000 et 1.000.000 €
Applicable aux prélèvements sociauxOuiNonOuiOui
Applicable aux transmissions à titre gratuit (donation, succession)OuiNonOuiOui
Plus-values applicablesCT et LTCT et LTLT uniquementCT et LT
Cumulable avec les autres dispositifsOui sauf 238 quindeciesOuiOuiOui sauf 151 septies
Soyez malin, anticipez vos plus-values significatives et faites en sorte de remplir les conditions pour bénéficier des exonérations, voire les cumuler

4.6 Comment cumuler les dispositifs d’exonération?

Le cumul des dispositifs mentionnés ci-dessus est parfois possible, à condition de manier les chiffres avec précaution. En règle générale, il est inutile de chercher à cumuler plusieurs dispositifs dès lors qu’un seul d’entre eux permet de bénéficier d’une exonération totale d’impôt et des prélèvements sociaux associés. Ensuite, lorsque cela est pertinent et que les régimes peuvent se cumuler, il est recommandé de les appliquer du plus spécifique au plus général, à savoir:

  • Abattement pour durée de détention des biens immobiliers (article 151 septies B)
  • Exonération en cas de départ à la retraite (article 151 septies A)
  • Exonération pour les petites entreprises sous condition de revenus (article 151 septies) OU Exonération selon la valeur des éléments cédés (article 238 quindecies), ces deux derniers dispositifs n’étant pas cumulables entre eux

4.7 Trois conseils simples pour réduire la taxation des plus-values professionnelles sur la part non exonérée

Trois méthodes extrêmement simples peuvent vous permettre de réduire la facture lorsque les conditions ne vous permettent par de bénéficier d’une exonération sur l’ensemble de vos plus-values.

Etaler la plus-value. Vous pouvez demander un étalement de la plus-value à parts égales sur 3 années fiscales. Si la plus-value est conséquente, et en fonction des exonérations auxquelles vous pourriez prétendre, c’est une possibilité que vous devez sérieusement envisager. En effet, comptabiliser l’ensemble de la plus-value sur un unique exercice risque de causer des sauts de tranches d’impôt sur le revenu et une imposition démesurément élevée. Comme toujours, le lissage de rémunération entre les exercices est l’optimisation la plus simple et efficace que vous pouvez mettre en place.

Choisir judicieusement la date de cession. Si envisagez de vendre votre cabinet pour arrêter définitivement votre activité, il serait fort dommage de procéder à la cession en fin d’année. Faites en sorte d’acter la cession en début d’année, ce qui d’une part décalerait l’impôt sur la plus-value d’une année entière, et d’autre part limite l’impact de saut de tranche d’imposition, puisque vos revenus seront probablement beaucoup plus faibles l’année suivant votre cessation d’activité.

Attendre avant de céder un bien acquis récemment. Si vous avez acquis un bien depuis moins de 2 ans, sur lequel vous attendez une plus-value non négligeable, envisagez d’attendre quelque temps pour dépasser le cap des deux ans. La part de votre plus-value qui sera classée à long terme au lieu du court-terme subira une imposition moindre.

4.8 Report d’imposition et exonération en cas de donation

Lorsque la transmission d’entreprise se fait à titre gratuit (donation ou succession), le cédant peut bénéficier des différents régimes d’exonération mentionnés plus haut. En sus, il existe également deux autres régimes spécifiquement dédiés aux transmissions à titre gratuit, qui concernent l’entreprise individuelle (Article 41 du code général des impôts) ou les sociétés assujetties à l’IR (Article 151 nonies du code général des impôts). Ces dispositifs instaurent un report d’imposition des plus-values constatées, qui peut conduire à une exonération si le bénéficiaire de la donation conserve l’entreprise reçue pendant au moins 5 ans.

Attention, ces deux derniers dispositifs ne s’appliquent pas sur les droits de donation ou de succession, il convient d’être prudent car ces montants peuvent être significatifs s’ils ne sont pas anticipés.

4.9 Le report d’imposition en cas de passage en Société d’Exercice Libéral

Si vous choisissez de basculer en Société d’Exercice Libéral (SEL), vous effectuerez probablement un apport en société de vos actifs professionnels. L’apport en société est une forme d’échange dans lequel vous cédez vos biens professionnels à votre SEL, en échange de quoi celle-ci vous donne tout ou partie de ses titres (actions ou parts sociales de la SEL).

Comme la propriété des biens est transférée (de vous-même vers votre SEL), cet opération matérialise des plus ou moins-values sur l’ensemble des actifs apportés. Le mécanisme d’apport bénéfice du régime du report d’imposition en vertu de l’article 151 octies du code général des impôts :

  • Pour les biens non amortissables, l’imposition est reportée jusqu’à ce que les biens concernés soient cédés par la société, ou si les titres reçus en échange de l’apport sont cédés, rachetés ou annulés.
  • Pour les biens amortissables, les plus-values sont réintégrées dans le résultat fiscal de la société bénéficiaire, avec la possibilité de les lisser sur une durée de 5 ans (ou 15 ans pour les biens immobiliers)

Attention, choisir de bénéficier de ce différé d’imposition équivaut à renoncer aux éventuelles exonérations auxquelles vous pourriez prétendre à la date de l’opération d’apport.

Il est indispensable de choisir le bon dispositif et d’être précis dans ses calculs pour limiter les frottements fiscaux

5. Comment réduire la taxation des plus-values de cession des sociétés à l’IS?

Avant d’aller plus loin, il est important de distinguer deux cas:

  1. Les plus-values de cession réalisées par les entreprises à l’IS dans le cadre de leur activité
  2. Les plus-values de cession d’un associé d’une société à l’IS qui cède ses titres dans la société

Pour le cas n°1, à savoir la taxation des plus-values professionnelles réalisées par les sociétés à l’IS, il existe peu d’échappatoires. Comme nous l’avons vu plus haut, le régime des plus-values à long terme est très restrictif et ne concerne que quelques cas particuliers. En matière d’exonération, le seul dispositif applicable est le bien connu article 238 quindecies déjà détaillé plus haut, qui exonère les plus-values inférieures aux plafonds de 500.000 € (exonération totale) et 1.000.000€ (exonération partielle) sous réserve que la société à l’IS soit une PME.

Pour le cas n°2, à savoir la taxation des plus-values réalisées par l’associé qui cède ses titres dans la société à l’IS, le régime est très différent, avec des dispositifs d’exonération spécifiques. Pour la suite de cet article, c’est ce cas que nous allons développer.

5.1 Cas général : la taxation des plus-values de cession de titres de sociétés à l’IS

Lorsque nous évoquons la cession de ses titres par un associé d’une société à l’IS, il est bon de préciser que nous sommes dans le cadre juridique des plus-values des particuliers, et non des plus-values professionnelles. Ceci est valable même si l’associé exerce son activité dans la société, comme c’est le cas dans une SELARL à l’IS par exemple.

En matière de fiscalité, les plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées par les particuliers sont classiquement imposées au Prélèvement Forfaitaire Unique de 30%, qui se compose de 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux.

Comme toujours, il est possible d’opter pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu à la place du taux forfaitaire de 12,8%. Le barème progressif est rarement avantageux, sauf si vous avez acquis vos titres avant le 1er janvier 2018. En effet, sous cette condition, vous pouvez bénéficier d’abattements qui peuvent être intéressants. A noter qu’en cas d’option pour le barème progressif, une fraction de CSG est déductible.

Il existe trois types d’abattements applicables aux plus-values de cession des titres acquis avant le 1er janvier 2018 : un abattement dit de droit commun, un abattement renforcé, et un abattement fixe.

5.2 Abattement pour durée de détention de droit commun et l’abattement renforcé

L’abattement pour durée de détention de droit commun est accessible à tous les particuliers aux seules conditions d’avoir acquis leurs titres avant le 1er janvier 2018 et d’opter pour le barème progressif. Il confère un abattement de 50% en cas de détention des titres depuis plus de 2 ans et moins de 8 ans, et 65% au-delà de 8 ans.

L’abattement renforcé nécessite également d’avoir acquis les titres avant le 1er janvier 2018, ne s’applique qu’aux PME et bénéficie à deux cas bien précis :

  • Les cessions de titres de PME « nouvelles », c’est à dire créées depuis moins de 10 ans à la date d’acquisition ou de souscription des titres.
  • Les cession de titres de dirigeants de PME partant à la retraite.

L’abattement renforcé est de 50% pour une détention entre 1 et 4 ans, 65% entre 4 et 8 ans, et 85% au-delà de 8 ans.

5.3 Abattement fixe pour les dirigeants de PME soumises à l’IS partant à la retraite

Ce dispositif est valable à l’occasion de la cession des titres d’une PME soumise à l’IS par le dirigeant en vue de son départ à la retraite. Un abattement fixe de 500.000 € s’applique sur les plus-values de cession et sur l’éventuel complément de prix associé. Il s’applique quelque soit le mode d’imposition choisi, au taux forfaitaire de 12,8% ou au barème progressif. A noter que ce dispositif n’est valable que jusqu’au 31 décembre 2024.

  • Référence : Article 150-0 D Ter du code général des impôts
  • Régime applicable : Associé d’une société soumise à l’impôt sur les sociétés
  • Portée de l’exonération : Impôt sur le revenu uniquement, les prélèvements sociaux restent applicables.
  • Cumul : non cumulable avec l’abattement renforcé, vous devez choisir l’un ou l’autre
  • Exclusions : Bien immobiliers ou parts de sociétés à prépondérance immobilière

Conditions d’application :

  • La cession doit porter a minima sur 50% des titres de la société, ou à défaut sur l’intégralité des titres détenus par le cédant
  • Le cédant doit avoir exercé un rôle de dirigeant dans l’entreprise depuis au moins 5 ans tout en détenant au moins 25% des titres de la société durant cette période
  • Le cédant doit cesser toute fonction dans l’entreprise cédée et faire valoir ses droits à la retraite dans les 2 ans qui précèdent ou suivent la cession
  • La cession est effectuée au profit d’un tiers dont le cédant ne possède pas le contrôle (y compris durant les 3 prochains exercices)
  • La société cédée doit être une PME (elle emploie moins de 250 salariés, a un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros)

Mon avis : Si vous êtes éligible, cet abattement est incontournable tant que le montant de cession reste inférieur au plafond de 500.000€. Au-delà, et notamment en cas de plus-value importante, il peut être judicieux de renoncer à cet abattement fixe de 500.000 € pour faire valoir l’abattement renforcé.

6. Conclusion

Vous l’aurez compris, le sujet de la taxation des plus-values professionnelles, de leurs modalités d’exonération ou d’abattement est assez technique. L’enjeu est d’autant plus important que les montants concernés et potentiellement imposables peuvent être parfois très significatifs. Dans ce cas, toute erreur d’appréciation peut vite vous coûter cher. Vous devez faire un choix judicieux et je vous recommande de vous faire conseiller sur le sujet pour dormir sur vos deux oreilles!

Chez Optiliberal, je tâche de vous proposer un accompagnement personnalisé pour répondre à toutes vos questions relatives à la transmission votre activité libérale. N’hésitez pas à me contacter pour exposer votre problématique, c’est sans engagement. Faites confiance à un expert !

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Thibaut Sadones

Fondateur d'Optiliberal, expert dans l'accompagnement des professions libérales sur des thématiques fiscales et patrimoniales
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